L'Arête des Cosmiques à l'Aiguille du Midi

Nous sommes en novembre et le téléphérique de l'Aiguille du Midi ferme ses portes dimanche. Voilà une belle occasion pour faire une petite sortie avant la fin de la saison. Direction Chamonix avec les affaires de bivouac et les piolets traction, histoire d'user un peu les crampons sur ce fameux granit couleur fauve. Comme cela fait longtemps que nous lorgnons sur cette fameuse arête hyper fréquentée qui remonte sur la terasse de l'Aiguille du Midi, on se dit que ce weekend, ca pourrait être la bonne occasion d'y aller. L'autoroute suisse nous laisse passer sans problème pour une fois, puis nous passons par le col des Montets, magnifique en cette saison. Nous descendons ensuite vers Chamonix, d'où nous prendrons la célèbre cabine de l'Aiguille du Midi.

Arrivé en haut, il nous faut descendre l'arête effilée en faisant la queue derrière les nombreux parapentistes qui profitent de cette journée pour décoller d'ici. La plupart ne sont pas alpiniste et prennent énormément de temps, et avec nos sacs bien lourd difficile de dépasser. Nous continuons jusqu'au col du Midi, pour planter la tente et laisser ici les affaires inutiles. Nous avons emmener avec nous un mini-sac à dos de 200 et quelques grammes pour chacun, que nous remplissons avec le minimum nécessaire pour faire l'arête des Cosmiques. Un casse-croute, une bouteille d'eau, une doudoune, le topo et une lampe frontale, voilà à peu près tous ce dont nous avons besoin. Nous rejoignons le départ de la course, juste derrière la petite cabane Simond. Les gens ont pris d'assaut ce petit abris car le refuge des Cosmiques, à 100m de là, est fermé pour l'automne.

Le départ de la voie est en neige et tant mieux, cela permet une progression plus rapide. La pente est débonnaire et nous arrivons rapidement à une petite descente qui donne accès à un second rappel plus long, entre deux blocs assez étroits. Nous traversons ensuite dans la neige avec des passages en rocher pas très dur mais où il ne faut pas se rater. Nous remontons ensuite une petite section rocheuse en suivant des grosses traces de passage, mais grosse erreur : nous arrivons à gauche du second gendarme et nous nous retrouvons coincé devant une pente de glace presque verticale qui plonge sous nos pieds. Coup d'oeil au topo, qui confirme la présence d'un second rappel de 20m. Je descend en premier pour m'assurer que le chemin est bon, mais après 20m de descente, je me rend compte que cette descente n'en fini plus. Il me faut alors remonter toute la pente avec un seul piolet, pas si évident avec la fatigue de la route de ce matin, et le froid qui se fait de plus en plus pénible. On apprendra par la suite que cette pente de glace est la sortie de la goulotte Perroux/Profit. Après un petit appel à nos amis du PGHM (merci à eux pour le travail qu'ils réalisent toute l'année) nous rebroussons chemin pour retrouver la vraie trace, qui nous mène au passage "chaud" de la voie, une dalle bien lisse balafrée par une fine fissure. Les mains gelées, la fatigue de la journée et le souffle un peu court à cause du manque d'acclimatation ne nous aident pas pour passer. La dalle a été nettoyée et il n'y a aucune protection dans ce passage bien gazeux qui a effrayé plus d'un alpiniste. Une petite sangle, un petit cablé bien placé et voilà la motivation qui revient, surtout que la nuit approche à grand pas. Heureusement que des trous pour les crampons ont été taillé sur la dalle et aident bien pour grimper.

Médine me suit et nous arrivons au dessus de cet énorme bloc après s'être faufilé entre deux écailles étroites. Il nous faudra ensuite redescendre de trois mètres versant chamonix , puis traverser un cours passage plat pour ensuite reprendre l'escalade et affronter les derniers pas gazeux qui nous séparent de la terasse. Nous arrivons à 18h passé, en pleine nuit, à l'échelle branlante qui nous ramène à la civilisation. Les récits habituels sur l'arête des Cosmiques parlent d'un acceuil triomphal sous les flashs des appareils photos des touristes japonais, mais nous n'y aurons pas droit à cette heure-ci. Malgré tout, un photographe se trouve là avec son amie pour prendre des photos nocturnes, et ils nous prennent en photo à la sortie de l'arête.

Après une petite pause pendant laquelle nous faisons connaissance avec Steve et Lucia, nous allons nous mettre au chaud dans le couloir du télécabine. Il nous faudra une bonne heure pour nous réchauffer et nous remotiver à descendre au bivouac. Frontale sur la tête, nous redescendons donc cette belle arête qui terrorise tant de gens. Tout est froid dans la tente, mais les affaires se réchauffent vite et nous nous couchons tôt, sans avoir mangé, en ayant simplement bu une tisane. La nuit sera froide, avec des températures proches des -10°C, mais nous sommes heureux d'être enfin au chaud après cette journée bien fraiche.

Le lendemain, nos quelques voisins de bivouac se lèvent en même temps que nous, c'est à dire bien après le levé du soleil. La motivation est faible pour enchainer un second projet, et de nombreux groupes s'entassent déjà au départ de la goulotte Chéré. Tout cela nous incitent à rester sage et à rentrer tranquillement à la maison, avec déjà une belle course réalisée. Nous remontons donc l'arête du Midi, les sacs bien chargés mais bien content de retourner au chaud.

Le bilan de ce weekend est très positif, nous avons eu la chance de profiter des derniers jours d'ouverture de la cabine et du beau temps pour réaliser une belle sortie dans une ambiance plutôt sauvage, rare sur cette course surfréquentée. L'arête des Cosmiques offre des paysages magnifiques, de beaux passages en rocher parfois bien aériens mais jamais insurmontable, bref c'est une course plaisante et intéressante d'un point de vue technique. La seule chose qui peut choquer, c'est les nombreux trous destinés aux crampons, qui semblent presque moulé dans le rocher. Ils facilitent vraiment les passages difficiles, mais rendent la progression un peu "artificiel". Nous avons pu également remarquer du côté du Tacul une belle coulée de neige sur la trace d'ascension, phénomène classique dans ce coin en cas de grand vent. Cela a incité de nombreuses cordées à rester sage et à se cantonner à la goulotte Chéré, à l'arête des Cosmiques ou encore aux pointes Lachenal.